Au cœur de la Caraïbe, l’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes navigue dans une période de défis sans précédent, exacerbée par les récentes secousses dans le secteur aérien régional, notamment la cessation d’activités d’Air Antilles et la liquidation de LIAT. Ces événements soulignent les vulnérabilités et les potentialités du trafic aérien dans les Antilles, mettant en lumière les carences, mais aussi les opportunités de renouveau.
La crise aérienne en Guadeloupe : Un ciel en quête de solutions
La baisse de 2,7 % du trafic en janvier 2024 par rapport à l’année précédente à l’aéroport Pôle Caraïbes reflète une réalité complexe, où la disparition d’Air Antilles et les problèmes de LIAT ont laissé un vide dans la connectivité inter-îles. Cette situation est aggravée par les insuffisances notées dans l’engagement des collectivités locales, soulignant un manque de vision stratégique et de soutien financier pour le développement aéroportuaire, comme révélé dans le document analysé.
Les collectivités locales, malgré leur rôle crucial, semblent avoir omis de fournir un cadre contractuel clair et de s’impliquer de manière significative dans les stratégies d’investissement et de développement, laissant l’aéroport face à des défis opérationnels et stratégiques majeurs sans un soutien adéquat.
La Guadeloupe face aux turbulences du trafic aérien : Une trajectoire incertaine vers la reprise
La reprise du trafic aérien en Guadeloupe, une saga complexe post-COVID, navigue entre espoirs de redressement et réalités économiques difficiles. Alors que l’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes clôture le mois de janvier 2024 avec près de 215 000 passagers, une baisse de 2,7 % par rapport à l’année précédente dessine les contours d’une reprise encore fragile et inégale.
Cette diminution globale du trafic, qui reste 14,7% en dessous des chiffres pré-pandémie de 2019, révèle un panorama contrasté, où certaines routes aériennes s’épanouissent tandis que d’autres peinent à retrouver leur altitude. La cessation des activités d’Air Antilles et la réduction des vols charter, notamment affectée par le repositionnement de Condor vers Saint-Domingue, pèsent lourdement sur les ailes de la reprise régionale.
Pourtant, un rayon de soleil perce les nuages grâce à une légère augmentation de 1,5 % du trafic vers la France continentale, suggérant une demande robuste malgré la flambée des tarifs aériens. Cette route représente un souffle d’optimisme, atteignant 95% de son niveau de 2019, bien que l’absence de compagnies telles que XL Airways et Level éclipse partiellement ce succès.
La situation régionale est plus alarmante, avec un recul marqué de 27 %, illustrant les défis posés par la fin des opérations d’Air Antilles. Cette contraction de l’offre, entraînant des hausses tarifaires significatives, soulève des questions sur l’accessibilité et la connectivité intra-Caraïbes, essentielles au dynamisme économique et touristique de la région.
Le trafic avec les USA et le Canada, en revanche, montre des signes de vigueur, enregistrant une hausse de 11 % par rapport à janvier 2023. Ce dynamisme, porté par les performances de JetBlue et l’ajout de fréquences par Air Transat, contraste avec le retrait général du réseau, toujours en quête de son lustre d’antan.
Ces chiffres, bien que révélateurs de la complexité du paysage aérien post-pandémie, posent inévitablement la question de la stratégie à long terme pour l’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes. Les projets d’expansion et les ambitions de croissance, notamment vers le cap des 3 millions de passagers envisagé pour 2030-2035, doivent maintenant être réévalués à l’aune de ces réalités fluctuantes.
La Guadeloupe, à l’instar de nombreuses destinations, se trouve à un carrefour critique. Entre les défis environnementaux, les nécessités économiques et les impératifs de connectivité, l’aéroport et ses partenaires sont appelés à naviguer avec prudence dans un ciel encore incertain. La trajectoire vers la reprise, ponctuée d’espoirs et d’obstacles, dessinera sans doute l’avenir du trafic aérien dans cette île magnifique mais confrontée à des vents contraires.
Quand les collectivités locales manquent à l’appel
Dans le dernier rapport de 2019, la Cour des Comptes émet des critiques sévères sur le rôle joué par les collectivités locales dans la gestion et le développement de l’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes (SAGPC). Le document met en lumière un vide contractuel notable, soulignant l’absence de contrats pluriannuels qui auraient clarifié l’évolution des tarifs des redevances aéroportuaires. Cette lacune, selon la Cour, nuit à la visibilité financière des compagnies aériennes opérant à l’aéroport, ainsi qu’aux autorités aéroportuaires elles-mêmes, créant un climat d’incertitude préjudiciable au développement aéroportuaire.
Le rapport pointe du doigt une approche fragmentée et des engagements financiers insuffisants de la part des collectivités locales, des facteurs qui entravent sérieusement la capacité de l’aéroport à s’adapter et à se développer face aux défis futurs. La Cour des Comptes déplore notamment une certaine réticence, voire une incapacité, des collectivités à investir de manière stratégique dans l’infrastructure, limitant ainsi les perspectives de croissance de l’aéroport.
Plus alarmant encore, le rapport critique l’absence d’évaluations socio-économiques rigoureuses des projets d’investissement aéroportuaire. Cette carence en analyse approfondie empêche une compréhension globale de l’impact de ces investissements sur le territoire et ses habitants, compromettant l’alignement des initiatives aéroportuaires avec les objectifs de développement durable et les besoins réels de la région.
La Cour des Comptes déplore également un manque de coordination dans l’exécution des marchés publics, notant une inactivité notable de la conférence régionale de l’investissement public, qui a omis d’intégrer la SAGPC dans ses recensements d’investissements. Ce constat souligne un isolement préoccupant de l’aéroport dans les dynamiques d’investissement public régional.
Le rapport de la Cour des Comptes dresse un bilan critique des actions des collectivités locales vis-à-vis du développement de l’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes. Il appelle à une révision profonde des stratégies de financement, de planification, et d’évaluation, pour permettre à l’aéroport de s’épanouir durablement et de répondre efficacement aux besoins de développement régional. La nécessité d’une vision partagée et d’un engagement accru des collectivités locales est plus que jamais cruciale pour l’avenir de l’aéroport et, par extension, pour la connectivité et le développement économique de la Guadeloupe.
Jean-Yves FRIXON